Martin Bruneau – “Suite blanche” – (exposition, Beaux-arts, peinture) – Association HORS [ ] CADRE – (Auxerre, 89)
Organisateur
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Hors[ ]Cadre, association
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Téléphone
06 88 97 42 26 Nathalie Amiot -
Email
contact@asso-horscadre.fr -
Site Web
http://asso-horscadre.fr/ -
Hors[ ]Cadre est une association créée en février 2017 qui a pour objet de promouvoir et de diffuser l’art contemporain. Elle a inauguré en novembre 2017 son lieu d’exposition situé à Auxerre, au 49 rue Joubert, face au Théâtre. Des actions de sensibilisations spécifiques destinées à tous les publics accompagnent chaque exposition : visites commentées des expositions, ateliers avec des artistes, conférences, cours d’art contemporain, rencontres… Par ailleurs Hors[ ]Cadre coordonne des résidences d’artistes en milieu scolaire mises en place la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Bourgogne Franche-Comté (Ministère de la Culture) et l’Education Nationale. HORS[ ]CADRE reçoit le soutien du Ministère de la culture (Drac Bourgogne Franche-Comté), du Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté, du Conseil Départemental de l’Yonne et de la Ville d’Auxerre. Hors Cadre, 49, Rue Joubert, 89000 Auxerre, contact Nathalie Amiot
Lieu
- Auxerre (89)
- Auxerre (89)
Martin Bruneau, d.82, 200 x 220 cm, 2021 (Courtesy Galerie Isabelle Gounod, Paris)
Martin Bruneau – “Suite blanche” – du 8 février au 6 avril 2024 – Hors Cadre, en face du théâtre à Auxerre
⭐Du mercredi au samedi : 14h – 18h
Autour de la table dressée de blanc se pressent mains et bustes. On échange, on s’affaire, on partage. Des plats débordent ou se vident au milieu des bouquets et des verres. Bien sûr ce n’est pas la Cène, ni les Noces de Cana, bien que les « repas blancs » de Martin Bruneau partagent avec eux l’expression d’une certaine convivialité, à la fois extraordinaire et banale. L’on songe davantage au Déjeuner sur l’herbe de Claude Monet (1865-1866) avec sa nappe blanche chavirée sur l’herbe ; au Repas de Paul Gauguin (1891) dans sa rigide composition ; à Cézanne et Morandi, auxquels Martin Bruneau emprunte la monumentalité des formes et la subtile délicatesse des tons ; aux aplats précipités de motifs chers à Matisse ; ou plus près de nous à la sobriété des Cocktails d’Alex Katz.
Mais ici, étonnamment, le cadrage ne retient rien de personne : à peine un avant-bras, un bout de chemisier, la naissance d’une nuque. Il exclut et maintient à l’écart. Ou plutôt il se resserre, non pas sur les convives mais sur ce qui les réunit. C’est qu’au-delà du sujet, la peinture de Martin Bruneau convoque un œil analytique et gourmand de peinture. Un regard mobile qui, du fond vers la forme, glisse et s’échappe de l’anecdote, comme guidé par une touche à vif et un sens aigu de la composition.
A travers toute la série, la dominance du blanc et le dépouillement minimisent en effet le contexte, tandis qu’un basculement de la perspective vient perturber l’agencement des plans. Dans certains grands formats la table semble se renverser à la verticale et dégager un large fond, contre lequel les objets s’apparentent à des signes abstraits, assemblés en une composition libre : un couteau comme un trait, le cerne d’un bord d’assiette, la grille d’un motif sur une cruche, un morceau de nourriture comme une éclaboussure, ailleurs un verre, comme un empâtement lumineux.
Tout se vaut, tout est traité de la même manière dans une sorte de démocratisation de la surface. Loin d’être occulté, le médium se révèle sans fard, avec son épaisseur ou sa planéité. Dans sa tension, aussi, avec la présence d’objets identifiables, dont le modelé cherche tant bien que mal à rejouer l’illusion de la réalité. Entre réflexe de reconnaissance et expérience optique pure, Martin Bruneau assume une posture moderniste et réflexive, tout à la fois narrative et formelle, usant des procédés de la peinture pour critiquer la peinture elle-même, de l’intérieur (1). Disons, une peinture cousue de fil blanc, figurative certes, mais dont le caractère mensonger saute aux yeux et qui ne nous laisse aucun doute quant au fait que les couleurs proviennent bien d’un tube.
Alors, aux visiteurs trop hâtifs qui se satisferaient de l’image entendue d’un repas entre amis : attardez vous ! Il faut que du temps passe pour que la réalité échoue. Que le ballet des mains se lie à celui des plats. Que tout s’amalgame et se réorganise : arabesques aux marges et diagonales au centre, méticuleux accords, bouquets de couleurs vives. Regardez comme on écoute. Et goûtez du bout des yeux le festin de la peinture.
Thibault Bissirier, juillet 2021